AccueilDroit et ChiffreTribunal judiciaire d'Aix-en-Provence : « La justice craque car on tire sur elle depuis longtemps »

Tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence : « La justice craque car on tire sur elle depuis longtemps »

Ambiance inédite au tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence. En raison de la crise sanitaire, l’audience solennelle de rentrée s’est déroulée sans public.
Francis Jullemier-Millasseau, président du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, et Achille Kiriakides, procureur de la République de l’arrondissement d’Aix-en-Provence.
M. Debette - Francis Jullemier-Millasseau, président du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, et Achille Kiriakides, procureur de la République de l’arrondissement d’Aix-en-Provence.

Droit et Chiffre Publié le ,

Comme la loi leur en fait l’obligation, les deux chefs de la juridiction, Francis Jullemier-Millasseau, le président du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, et Achille Kiriakides, procureur de la République, ont dressé le bilan de l’année 2021 et présenté les perspectives (et attentes) pour 2022. « Année judiciaire atypique que celle qui commence par une audience solennelle sans son public habituel, tenue dans une salle vide par le président et deux juges, le procureur de la République et la directrice de greffe. La crise sanitaire continue à marquer de son empreinte la vie du pays et celle des juridictions », a réagi Achille Kiriakides.

Une crise sanitaire qui n’occulte pas celle que connaît l’institution judiciaire. Comme l’a souligné Francis Jullemier-Millasseau, « la forte mobilisation du 15 décembre dernier témoigne de cette situation délicate. Le procureur général près la Cour de cassation parle de souffrance d’ordre éthique. La justice craque car on a tiré et tiré sur elle depuis longtemps. » Et d’ajouter que si les chiffres de la juridiction ne sont pas catastrophiques, cela est dû à la bonne volonté des magistrats et fonctionnaires. Au cours de l’année 2021, le taux de couverture pour l’ensemble des affaires civiles est supérieur à 100 %. Au 31 décembre 2021, le stock est de 8 939 dossiers (9 837 en 2020). Le nombre d’ordonnances pénales a considérablement augmenté, passant de 3 325 à 4 257. Idem pour les comparutions immédiates (767 contre 682 en 2020) et les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) déferrements, passées de 0 à 260.

Vidéo | A Marseille, la justice donne de la voix

« C’est quoi un délai raisonnable ? »

Cette situation ne doit pas masquer des délais très longs. Fin novembre, les magistrats ont pris une motion revendiquant un alignement, à long terme, sur la médiane européenne qui permettrait au tribunal d’Aix-en-Provence de disposer de 79 juges au lieu de 49, et de 60 parquetiers au lieu de 16, et du nombre de greffiers et de fonctionnaires correspondant. « A moyen terme, pour une juridiction comme Aix-en-Provence, ce serait sept magistrats supplémentaires au siège. Il est nécessaire que nous ayons les moyens d'une justice humaine qui rende des décisions dans des délais raisonnables car, malgré les critiques envers l’institution, il y a un besoin de justice dans une démocratie. Le recours au juge est de plus en plus fréquent », a poursuivi Francis Jullemier-Millasseau.

« Attendre une décision des mois, voire des années, est devenu insupportable. » Le président a indiqué qu’aux affaires familiales, le délai moyen est de six mois entre le dépôt de la requête et la première audience. Une affaire au pénal, en juge unique, est fixée à dix mois. « C’est quoi en réalité un délai raisonnable ? Certains vous diront : "Je veux une décision immédiatement."Ce qui est impossible. Il faut au minimum trois mois pour avoir une décision aux affaires familiales, huit mois en matière civile pour un jugement, des affaires pénales fixées à trois voire quatre mois pour que la peine éventuelle garde tout son sens. »

Alors, comment y remédier ? Pour le procureur de la République, si les méthodes et l’organisation du travail sont perfectibles, la taylorisation ou la standardisation des tâches a ses limites. Selon lui, il faut « déjudiciariser certains contentieux, dépénaliser et recourir à des sanctions autres, de nature administrative par exemple, tout aussi efficaces. Il faut en finir avec les lois nouvelles qui ne comportent pas d’étude d’impact. Il faut simplifier les textes, les alléger, les rendre plus lisibles. Il faut allouer plus de moyens à nos partenaires associatifs auxquels on demande toujours plus et, surtout, revoir à la hausse les effectifs de la police et de la gendarmerie qui ne sont plus en mesure de traiter dans des délais raisonnables les enquêtes qui leur sont confiées. »

Stabilité de l’activité pénale

Depuis deux ans, l’activité pénale est relativement stable, même si le recours aux ordonnances pénales a augmenté de 24 %. Cette procédure simplifiée et rapide fait intervenir le juge pour valider une sanction proposée par le parquet, sans audience, sur le vu du dossier. Un délégué du procureur notifie la décision, y introduit une dimension pédagogique et informe la personne condamnée de son droit de demander à s’expliquer de vive voix devant le juge pour contester sa condamnation. Le nombre de jugements correctionnels a augmenté de 9 % (3 561), et les procédures de comparution immédiate (767) de 12 %.

Comme l’an dernier, la priorité a été donnée au traitement des violences conjugales avec des rencontres d’information, concernant la législation et le rôle de la justice, dans des centres hospitaliers de l’arrondissement. Une formation a été organisée au profit de travailleurs sociaux, de policiers et de gendarmes. « Nous disposons de 30 téléphones grave danger, dont 28 sont attribués, et dix bracelets anti-rapprochement ont été déployés. Deux sont en attente pour des sortants de prison », a indiqué le procureur de la République.

L’activité civile

9 922 affaires civiles nouvelles,
10 219 affaires civiles traitées,
Stock d’affaires en cours : 8 939, dont 2 452 affaires familiales nouvelles et 3 013 jugées.
1 952 référés traités et 899 ordonnances sur requête traitées.
246 dossiers de tutelles mineurs en cours.
325 affaires jugées par la commission d’indemnisation des victimes d’infraction.

L’activité pénale

17 967 affaires poursuivables,
5 427 procédures alternatives réussies,
360 compositions pénales réussies,
Taux de réponses pénales : 89,34%,
4 257 réquisitions d’ordonnances pénales.

Instruction : 241 informations ouvertes et 398 personnes mises en examen.
Jugements correctionnels : 3 561 jugements rendus

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