C’est avec une constance et une fermeté sans faille que la Cour de cassation vient régulièrement nous rappeler que, jusqu’à son immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés, une société est dénuée de personnalité juridique et qu’elle n’est, à ce titre, pas en capacité de contracter (pour un exemple récent : Cass. com. 10 février 2021, n°19-10.006).
Ce principe ne signifie pas qu’il est impossible d’anticiper la création d’une société en concluant des actes nécessaires à son fonctionnement futur (signature d’un bail commercial, ouverture d’un compte bancaire, achat de matériel, etc.).
Ces actes, conclus au nom et pour le compte de la société en formation, pourront être repris par cette même société postérieurement à son immatriculation, sous réserve du respect des mécanismes prévus à cet effet par le Code de commerce et le Code civil.
Mais encore faut-il, pour pouvoir être repris par la société, que ces actes aient justement été passés « en son nom et pour son compte » par un fondateur ou un mandataire.
L’oubli de cette formule, aussi brève soit-elle, dans les comparutions d’un acte, peut être lourd de conséquences. Deux cas de figure se présentent généralement en pareille circonstance.
Le signataire engagé par l’acte
Le premier est celui dans lequel l’acte a été conclu par un fondateur ou un mandataire, en son nom propre. Dans cette situation, le signataire sera personnellement engagé par l’acte, lequel demeurera à sa charge même si l'une des procédures de reprise est mise en œuvre par la suite.
Le second cas de figure concerne l’acte passé directement « par » la société en formation. Dans cette hypothèse, la société étant dépourvue de personnalité juridique, l’acte est nul.
La nullité affectant l’acte conclu par une société inexistante est absolue. Il en résulte que tout intéressé peut se prévaloir de la nullité d’un tel contrat et qu’il ne peut faire l’objet d’une confirmation ou d’une ratification. Pareille irrégularité ne peut donc pas être couverte par des actes d'exécution intervenus après l'immatriculation de la société (Cass. com. 21 février 2012, n° 10-27.630).
Assurer la protection de l’associé fondateur
Il est donc indispensable, afin d’assurer la protection de l’associé fondateur ou du mandataire de la société et de prévenir tout risque de nullité :
- d’éviter toute tournure de phrase dans la désignation des parties laissant à penser que l’acte est conclu « par » la société en formation,
- d'indiquer dans l’acte que le signataire agit, non pour son compte personnel, mais au nom et pour le compte d'une société en formation désignée, même sommairement (dénomination, futur siège social notamment).
Afin d’éviter tout écueil, la formule suivante pourra être utilisée dans les comparutions d’un acte destiné à être repris par une société postérieurement à son immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés : Madame/Monsieur X, [date et lieu de naissance, nationalité, état civil, adresse du domicile], agissant au nom et pour le compte de la société en formation Y, sise [adresse du futur siège social].
Il convient de garder à l’esprit qu’une personne qui conclut ainsi un acte au nom et pour le compte d’une société en formation demeure solidairement et indéfiniment responsable des engagements contenus dans l’acte, jusqu'à la reprise de celui-ci par la société postérieurement à son immatriculation.
Seul le respect scrupuleux des mécanismes de reprise des actes pourra libérer définitivement le signataire d’un acte conclu au nom et pour le compte d’une société en formation.