Expert-comptable et commissaire aux comptes, Paul d’Ortoli a toujours eu la fibre informatique. La révolution numérique, ce pionnier l’engage dès 2005 au niveau de son cabinet Neotec Expert, qu’il a lui-même fondé à Marseille en 1985. Quatre ans plus tard, il passe la vitesse supérieure en créant une entreprise dédiée, Numeri Compta. Sa vocation ?
« En utilisant les techniques de pointe de l’intelligence artificielle, on allait pouvoir supprimer la saisie des écritures comptables dans un journal », explique Paul d’Ortoli.
Et il fait alors le choix de monter une société juridiquement indépendante de Neotec Expert afin de « pouvoir diffuser cette technologie au-delà de [son] propre cabinet ». Cinq ans plus tard, le pari est tenu. Moyennant un investissement de 3,5 millions d’euros, jalonné de levées de fonds auprès d’actionnaires et d’Oséo, Numeri Compta, reconnue Jeune entreprise innovante (JEI) et éligible au crédit impôt recherche (CIR) depuis 2012, a mis au point un logiciel appelé à révolutionner la pratique de l’expertise comptable.
Le système se compose d’un logiciel central, « NC Expert », situé dans le cabinet d’expertise comptable, de logiciels « clients », « NC Entreprise », installés dans les entreprises, d’un data center ou cloud, un centre de stockage de données basé à La Ciotat, et surtout d’un « cerveau informatique ». « Pour supprimer la saisie des écritures, il faut que l’information qui arrive au cabinet soit numérique. Le papier va donc être transformé en données alphanumériques via un OCR [NDLR : Reconnaissance optique de caractères] », détaille Pauld’Ortoli.
Les données numérisées sont ensuite interprétées par un logiciel, « le cerveau électronique », qui les transforme en écritures comptables puisque « la machine est formée comme un collaborateur ».
« On a ainsi une comptabilité générée en temps réel, avec des données validées au jour le jour par l’expert-comptable. »
Une « rupture technologique » qui révolutionne le rôle dévolu à la comptabilité puisque le client peut, à chaque instant, accéder à tout nouveau document comptable. « Au-delà des déclarations fiscales, la comptabilité permet de faire un contrôle de gestion. Le dirigeant de PME a tous les jours une vision de son entreprise, de sa trésorerie, de l’évolution de son chiffre, et va pouvoir ainsi mieux la diriger. Cette vision en temps réel est d’habitude réservée aux grosses entreprises. Là, on la met à la portée de tous », résume le dirigeant de Numeri Compta.
Une centaine de cabinets déjà séduits
A l’autre bout de la chaîne, cela révolutionne également l’organisation du travail au sein du cabinet comptable.
« Chaque collaborateur a la vision de ce qu’il doit faire chaque jour en vidant son étagère virtuelle. C’est une autre façon de travailler puisque les collaborateurs gèrent, tous les jours, tous les dossiers. »
Et Paul d’Ortoli de préciser que si les factures d’achats doivent systématiquement être validées, ce ne sera pas forcément nécessaire pour les factures de vente. « Lorsque la probabilité que l’écriture soit bonne est proche de 1, le collaborateur ne valide même pas. »
Si son rôle du collaborateur évolue, le patron de Neotec Expert se défend de mettre en danger l’emploi dans son métier. Il estime même que cela va permettre de « recréer de l’emploi en France » en permettant aux cabinets de « travailler sur le conseil et la gestion au lieu de la saisie ».
« La saisie n'est pas une activité rentable, qui peut donc être délocalisée. Dans un pays développé, c’est le gain de productivité qui crée l’emploi. Il faut de l’innovation car cela permet de maintenir les rémunérations », plaide-t-il.
Commercialisé depuis un an, le logiciel, seul « produit complet » diffusé sur le marché - qui coûte 10 euros/mois, auxquels s’ajoutent les prestations classiques facturées par le cabinet comptable -, a déjà séduit une centaine de cabinets, ce qui permet de toucher un panel de 3.000 PME. Numeri Compta, qui compte une vingtaine de salariés dont 15 informaticiens, a ainsi réalisé un chiffre d’affaires de 1,5 M€. « On pourrait inonder le marché mais on prend notre temps. On préfère maîtriser notre technologie pas à pas, sans tout gâcher en voulant aller trop vite. On a la chance d’avoir une structure financière saine, ce qui nous permet d’avoir du temps devant nous », conclut Paul d’Ortoli.