« C’est courage, fuyons ! Si je pouvais fermer, je fermerais ». Isabelle Vernhes, gérante de la boutique de fleurs Intuitive au 14 rue d’Aubagne, à Marseille, est démoralisée. Dans le chahut du marché de Noailles, dans le 1er arrondissement, la fleuriste dresse un constat qu’elle qualifie de "terrible" : « On ne peut plus travailler. Nous sommes dans un véritable marché aux Puces, les gens ne parviennent même pas à rentrer chez moi. Ce climat perpétuel de tension est terrible. ». Depuis plusieurs mois, les commerçants du quartier de Noailles ont peur. Peur d’exercer leur métier, d’ouvrir leurs locaux. La cause ? Une insécurité grandissante et l’occupation massive de l’espace des vendeurs à la sauvette.
Crédit : Antoine Assante
Perte de chiffre d’affaires
Mohamed Ouerghi, gérant de la boutique La Saveur des Iles, au numéro 3 de la place Halle de La Croix est désabusé : « Je suis un enfant de ce quartier, j’ai grandi ici et je ne le reconnais plus. Il faisait bon vivre et aujourd’hui il n’en est plus rien. » En pointant du doigt ses étals de fruits et légumes, il déplore : « Il n’y a plus cette clientèle que j’avais autre fois. Les vieilles dames qui viennent faire leurs courses chez moi font très attention, elles se retournent avant de sortir le porte-monnaie pour voir s’il n'y a personne derrière. Je suis obligé parfois de les ramener jusqu’au tram. Cela devient inquiétant. Ce n’est pas à nous de faire la police. »
Mais il n’y a pas que la délinquance que le quarantenaire regrette : « Quand j’ouvre le matin à 6h30 pour me faire livrer mes produits, les vendeurs à la sauvette sont déjà installés. Je suis obligé de leur demander pardon pour passer et descendre mes palettes. Il faut voir les gens qu’on a en face. Ils ont la main dans la poche, sur l’opinel. Je n’exagère pas, c’est notre vécu. Et à partir de 14h cela devient la cour des Miracles ». En un an, il explique avoir perdu 30 % de son chiffre d’affaires.
Même constat pour Ali Belaroussi, 28 ans, propriétaire de l’Alimentation au 57 rue d’Aubagne :
« Aujourd’hui on nous laisse mourir. Et que disent les gens ? C’est le folklore, c’est Noailles, c’est normal. Si une personne prend un opinel et commence à donner des coups de couteau aux gens c’est rien. Vous imaginez que plus de 500 employés viennent ici tous les matins avec la boule au ventre? ».
La CPME 13 au secours
La confédération des petites et moyennes entreprises des Bouches du Rhône (CPME 13) s’est saisie du dossier. Celle-ci défend habituellement les intérêts des entreprises au sujet des prêt garanti par l'État (PGE) ou lorsqu’elles sont confrontées à des problèmes avec des institutions. Mais Alain Gargani, le président de la CPME Sud, par ailleurs conseiller municipal d'opposition à Marseille, explique que cette "détresse" des commerçants est telle que le syndicat ne pouvait pas rester les bras croisés. « Noailles est devenu une zone de non droit. Le commerce est en danger. Ce quartier est le ventre de Marseille », se désole le président de la CPME Sud .
C’est pourquoi, au côté du collectif Noailles engagée, la CPME 13 a interpellé les pouvoirs publics et notamment la préfète de police pour rendre compte de la situation et demander le renforcement de la présence policière dans le quartier.
Patrouilles de police
Quelques heures aprés la conférence de presse, la préfecture de Police communiquait sur son compte twitter en rappelant les patrouilles de police mises en place dans le secteur. Une ronde a été effectuée en présence de Frédéric Camilleri, la sous-préfète de police et de Yannick Ohanessian, l'adjoint au maire de Marseille en charge de la tranquillité publique.
📍A Noailles @prefpolice13 et @yann_ohanessian ont assisté cet après-midi à l'une des opérations quotidiennes de lutte contre les ventes à la sauvette.
— Préfète de police des Bouches-du-Rhône (@prefpolice13) July 21, 2022
✅Etat et ville poursuivront tant qu'il le faudra les efforts engagés ! pic.twitter.com/uR52gH5lGO