GOODPayeur, Juri'Predis mais aussi Entre Confrères et Marcel... En matière de legaltechs, « Marseille est une place importante », indique Mathieu Davy, président et cofondateur de l'association AvoTech qui regroupe les avocats français ayant créé une start-up dans le domaine du droit. « Plus largement, l'axe Aix-Marseille est un bassin fort de créateurs de legaltechs. D'ailleurs, parmi nos 50 membres, plus d'une dizaine vient du Sud-Est », ajoute celui qui a également créé la start-up parisienne Call a Lawyer. Ce n'est donc pas seulement pour le soleil et la mer que l'association a tenu fin juin son assemblée générale dans la cité phocéenne, aux Goudes plus précisément.
« Marseille et Aix sont deux barreaux très importants en France, qui ont pris le tournant de l'innovation très tôt. Le numérique s'y est mis en place dès 2016. A cette date, les décrets Macron ont permis aux avocats de créer une entreprise en levant les incompatibilités d'exercice dès lors que l'activité commerciale est connexe et accessoire. » C'est d'ailleurs juste après, en 2017-2018, que le mouvement a explosé en France, avec des innovations au niveau de l'intelligence artificielle, de la mise en relation, l'automatisation des contrats, les services entre avocats, etc.
Maturité
Si bien qu'AvoTech est passée de dix à 50 membres en un peu moins de trois ans. « En France, on compte 250 legaltechs, c'est le deuxième marché au monde en termes de création après les Etats-Unis », détaille Mathieu Davy. Pour autant, « comme le marché n'est pas très mature, les créations stagnent. »
« Le marché est encore naissant à Marseille et finalement peu de projets ont vu le jour, il n'y a pas eu d'explosion », confirme ainsi Robin Stuckey, cofondateur d'AvoTech et de la start-up GOODPayeur (anciennement BADPayeur). « Les avocats ne s'en emparent pas car, non seulement c'est assez récent et donc ils n'ont pas encore forcément la mentalité, mais aussi parce que pas mal de legaltechs fonctionnent avec du code et de l'informatique : ce n'est pas une matière que l'on nous enseigne ! » Et pour ceux qui se sont lancés dans l'entrepreneuriat, « la plupart a continué à exercer leur métier en parallèle et ce n'est pas si simple de gérer les deux ». Alors pour continuer, il faut soit être un petit cabinet pour se dégager du temps, soit s'adosser à quelqu'un. Robin Stuckey, qui exerce chez One Avocat, a quant à lui opté pour la deuxième option puisque c'est Jean-Charles Ize qui dirige la start-up.
Du côté des clients, « il y a une demande des avocats qui utilisent de plus en plus ces logiciels », indique Mathieu Davy. Mais malgré tout, « le marché est plus lent que ce que l'on pensait », ajoute-t-il. « On a cru que la révolution legaltech serait immédiate. On s'est tous précipités et l'offre s'est montée rapidement. Mais le client, lui, n'est pas venu tout de suite. On n'a pas anticipé le travail considérable à faire en termes de communication par exemple, car on pensait que c'était évident. » Et Robin Stuckey d'ajouter : « Il est par exemple plus difficile d'expliquer un service qu'un produit sur les réseaux sociaux. » A ce manque de notoriété s'ajoute encore une certaine « peur » du numérique et du droit en ligne, auquel les générations plus âgées ne sont pas encore assez sensibles.
Bascule
Alors que les legaltechs représentent aujourd'hui 5 % du marché du droit selon Mathieu Davy, quand la bascule aura-t-elle lieu ? Ce dernier la situe dans les deux-trois années à venir. « C'est forcément le destin des prochaines années. Par exemple aux Etats-Unis, ce mode de consommation s'est banalisé. »
Une évolution qui pourrait s'accélérer suite au Covid-19. « Le Covid, qui a été un drame sur le plan économique, a rendu service à la transformation numérique de l'économie. L'utilisation du numérique s'est multipliée dans plein de domaines, dont les legaltechs puisque l'on ne pouvait pas rencontrer de "vrais" avocats », explique Mathieu Davy. Sur Call a Lawyer, la fréquentation a augmenté pendant le confinement, « d'autant plus que nous avons joué le jeu de la gratuité par solidarité avec les entrepreneurs et les particuliers ». Et maintenant que le pays est déconfiné et que le site est de nouveau payant, « nous avons gardé une croissance ».
En attendant, le développement des legaltechs a permis de créer « un écosystème intéressant, innovant, bouillonnant d'avocats à part », se réjouit Robin Stuckey. « Peut-être que des jeunes vont débarquer avec plein d'idées et pousser tout ça. Finalement, cela a permis de créer une émulsion et tout ce mouvement est plutôt positif. »