AccueilEconomieLa semaine de 4 jours en France : est-ce possible ?

La semaine de 4 jours en France : est-ce possible ?

La semaine de 4 jours en France est appliquée par quelques entreprises, mais la France reste frileuse sur le sujet. Pourtant, en Europe, l'Espagne, l'Angleterre, commencent à réaliser des tests à grande échelle.
Semaine de 4 jours
©Adobe-Stock - Semaine de 4 jours

Economie Publié le ,

« Il faut descendre à 32 heures, sans étape intermédiaire. Cela obligera toutes les entreprises à créer des emplois » déclarait le patron de Danone, Antoine Riboud, en 1993, qui estimait que la réduction du temps de travail pouvait favoriser le recrutement. Preuve que la semaine de 4 jours est un sujet qui interroge depuis longtemps, mais qui ne fait pas encore l’unanimité dans les entreprises et chez les politiques.

La semaine de 4 jours existe donc depuis 1996 grâce à la loi Robiens. Celle-ci proposait de passer à 32 heures avec une obligation de recruter au moins 10 % de salariés en CDI. En échange, les entreprises bénéficiaient d’un allègement des cotisations patronales de la Sécurité sociale. Cependant, cette loi a été remplacée par la loi Aubry et le passage aux 35 heures.

Qu’est-ce que la semaine de 4 jours ?

Comme son nom l’indique, la semaine de 4 jours consiste à travailler 4 jours au lieu de 5 sans perte de salaire. Cela permet de bénéficier de 3 jours de repos par semaine en comptant le week-end.

Obtenir un jour de repos supplémentaire dans la semaine permettrait au salarié de retrouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. En effet, l’objectif de cette mesure est d'offrir plus de temps libre aux salariés tout en augmentant la qualité et la productivité du travail des salariés. Plusieurs études montreraient que la réduction du temps de travail est bénéfique pour l’ensemble des employés, pour les entreprises, mais également pour la planète, là où la consommation d’énergie devient un enjeu majeur.

Salarié en congé
©Pixabay : La semaine de 4 jours permet d'avoir un jour de repos supplémentaire.

Temps de travail : que dit la loi ?

Pour bien comprendre la semaine de 4 jours, il est nécessaire de faire un rappel sur la loi du temps de travail en France. La loi prévoit qu’un salarié à temps plein travaille 35 heures par semaine, soit 151.67 heures par mois et 1607 heures par an. Pour un salarié à temps partiel, le nombre d'heures travaillées est de 28 heures par semaine. La formule de calcul des heures travaillées par mois est : [(35 h x 52 semaines) / 12 mois] = 151,67 heures.

Par conséquent, le temps de travail correspond aux nombres d’heures de travail par mois qui permettent d’obtenir une rémunération.

En fonction des entreprise et du secteur, les 35 heures légales peuvent être modifiées :

  • Un salarié peut travailler 39 heures par semaine, en bénéficiant d’une réduction du temps de travail qu'on appelle (RTT), ce sont des congés supplémentaires. Le salarié dispose de 4 heures par semaine à récupérer.

  • Le nombre d'heures maximum légal est de 48 heures par semaine. La somme des heures travaillées ne doit pas dépasser 1607 heures annuelles.

  • Les heures hebdomadaires en dépassement sont des heures supplémentaires, elles sont majorées de 25 % pour les 8 premières heures et de 50 % pour les suivantes.

  • La limite maximale des heures supplémentaires est fixée à 220 heures par an par salarié, ce qui limite le temps maximal de travail pour un salarié à 1827 heures par an.

Comment fonctionne la semaine de 4 jours de travail ?

La semaine de 4 jours est encore loin de faire l'unanimité dans l’ensemble des entreprises françaises. En effet, cette réduction du temps de travail bouleverse complètement l’organisation du travail des entreprises, mais aussi celle des salariés selon le secteur.

L'intérêt principal de cette mesure est d’avoir un jour supplémentaire de repos sans diminuer le salaire des employés. Les entreprises disposent de plusieurs possibilités pour mettre en place ce système. Elles peuvent réduire le nombre d’heures de travail hebdomadaires et passer à une semaine de 32 heures au lieu de 35 heures. Le salarié travaillerait alors 8 heures par jour et bénéficierait d’un jour de congés en plus.

L’autre solution est d’augmenter la charge de travail journalière. En effet, dans certains secteurs, il peut être compliqué de réduire le temps de travail quotidien. Il s’agirait donc de répartir les 35 heures sur 4 jours.

D’autres aménagements sont possibles en fonction des exigences du secteur d’activités et du statut des salariés. Par le biais d’accord collectif négocié avec les syndicats, les entreprises peuvent choisir librement leurs formules pour diminuer le temps de travail.

Réduction du temps de travail, quels sont les avantages ?

La semaine de 4 jours semble satisfaire les entreprises et les salariés ayant adopté ce mode d’organisation. Pourtant, selon une étude réalisée en mai 2022 par le cabinet ADP, seulement 19 % des entreprises ont mis en place un accord de travail flexible et 5 % d’entre elles ont adopté la semaine de 4 jours.

Toujours selon l’étude d’ADP : 64 % des salariés français souhaiteraient bénéficier d’une plus grande flexibilité dans l’organisation de leurs horaires de travail, avec la possibilité de passer à la semaine de 4 jours et plus de la moitié (57 %) accepterait que leur rémunération soit diminuée en échange d’un meilleur équilibre vie professionnelle/personnelle.

Augmenter la productivité des salariés

Plusieurs études ont démontré que la semaine de 4 jours a un effet positif sur la productivité des salariés : ils deviennent plus autonomes, sont plus concentrés et priorisent davantage leurs tâches. Disposer d’un jour de congé supplémentaire dans la semaine entraîne une motivation supplémentaire.

Obtenir un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée

La réduction du temps de travail ou une meilleure répartition, permet d’avoir un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée : plus de temps pour les loisirs, les activités sportives et la vie de famille. La semaine de 4 jours a donc un impact positif sur le moral et le bien-être des salariés.

Réduire le taux d’absentéisme

Avoir un jour de plus dans la semaine permet de mieux gérer son emploi du temps au quotidien. Les salariés sont moins stressés, moins malades et plus épanouis dans leur travail. Une meilleure qualité de vie au travail réduit considérablement le taux d’absentéisme d’une entreprise.

L’entreprise espagnole Software Delsol a instauré la mesure en 2020 auprès de ses 181 salariés. Résultat : elle a annoncé une chute de 20 % du taux d’absentéisme. L’expérience islandaise démontre également que la semaine de 4 jours est directement liée à une réduction des salariés absents car moins fatigués ou moins malades.

Conserver les salariés et attirer de nouveaux talents

La semaine de 4 jours est également un bon argument pour attirer de nouveaux talents. Avoir un jour de repos en plus dans la semaine, sans perte de salaire, est un avantage supplémentaire pour les candidats potentiels. Dans certains secteurs en tension, cela permet d’améliorer la marque employeur et de recruter plus facilement.

Participer à la protection de l'environnement

La semaine de 4 jours est aussi bénéfique pour l'environnement et permet de réduire aussi l’empreinte carbone. En effet, la réduction du temps de travail permet de limiter les déplacements en véhicules polluants ce qui réduit les émissions de CO2. C’est un point positif pour les entreprises qui sont engagées dans une démarche RSE.

Semaine de 4 jours : inconvénients pour l’entreprise et les salariés

Si la semaine de 4 jours présente de nombreux avantages pour l’entreprise et les salariés, cela dépend du secteur d'activité et de la réduction du temps de travail proposé.

Effectuer des journées plus longues

Avoir un jour off en plus de la semaine est très motivant. Cependant, si l’entreprise décide de mettre en place les 35 heures en 4 jours, les journées de travail seront beaucoup plus longues. C’est un nouveau rythme de travail qui peut être compliqué pour certains salariés.

Travailler plus en peu de temps

Semaine de 4 jours, ne signifie pas moins de travail. Bien au contraire, travailler moins dans la semaine risque d’augmenter la charge de travail des salariés qui peuvent être dépassés par les objectifs et se sentir plus stressés.

Réorganiser le temps de travail des salariés

Selon le secteur de l’entreprise, la semaine de 4 jours peut être compliquée à mettre en place et nécessite une réorganisation du travail, des plannings des salariés (répartition des horaires et des jours de repos) et du management.

32 heures par semaine sans perte de salaire, où en est-on en France ?

La pandémie de Covid-19 a renforcé cette tendance et la semaine de 4 jours séduit de plus en plus, mais cela demande un bouleversement du rythme du travail et un coût organisationnel et financier important.

Si de plus en plus d’entreprises se portent volontaires pour tester cette formule, la France ne semble pas encore prête à passer le cap. En effet, selon le secteur d’activité, la taille de l’entreprise, ou les postes de cadres qui demandent plus de 35 heures pour atteindre les objectifs, les investissements humains et financiers seraient trop importants.

Cependant, l’argument de l'impact de la réduction du temps de travail sur l'environnement et la facture énergétique pourraient convaincre les plus sceptiques. Depuis la crise du Covid et le développement du télétravail, plusieurs études ont montré un lien entre les heures de travail et les émissions de gaz à effet de serre. Entre l’urgence climatique et la crise énergétique, la semaine de 4 pourrait être une des solutions pour atteindre les objectifs climatiques.

Les entreprises françaises qui appliquent la semaine de 4 jours

Plusieurs entreprises françaises ont mis en place la semaine de 4 jours et semblent satisfaites des résultats notamment en termes de productivité :

  • Elmy : depuis le 1er septembre 2022, les salariés travaillent 32 heures par semaine sur 4 jours, payés 39 heures.

  • IT Partner : les salariés sont passés de 35 heures à 32 heures hebdomadaires après la signature d’un accord collectif.

  • Yprema : les employés sont à 35 heures sur 4 jours depuis 1996 à l’époque de la loi Robiens.

  • LDLC : depuis le 25 janvier 2021, les salariés de LDLC ne travaillent plus que 4 jours sur 5. A Marseille, les salariés de l'ancien magasin Bimp, devenu LDLC, gagnent un jour de repos par semaine et ne travaillent plus que 32 heures.

  • Radioshop : depuis janvier 2021, Radioshop propose 4 jours par semaine pour 32 heures hebdomadaires, payées à temps plein.

  • Welcome to the Jungle : en 2019, l’entreprise a testé pendant cinq mois (de juin à octobre) la semaine de quatre jours. Ce rythme de travail a été définitivement adopté.

  • Love Radius : propose une formule hybride de la semaine de 4 jours, de mai à août, sans baisse de salaire.

Et dans les autres pays ?

Si pour l’instant la France ne semble pas encore prête à passer à la semaine de 4 jours, plusieurs pays testent cette nouvelle organisation du travail.

La Belgique opte pour 4 jours, mais sans réduction du temps de travail

La semaine de quatre jours est un projet de réforme proposé en février 2022 par le Premier ministre de Belgique, Alexander De Croo, et approuvé en juin. Le gouvernement belge mise sur la « flexibilisation du marché pour augmenter le taux d’emploi ». Cette mesure a été approuvée par la Chambre des représentants de Belgique le jeudi 29 septembre.

Cependant, pas de réduction du temps de travail pour les Belges, s’ils choisissent la semaine de 4 jours, ils devront effectuer les mêmes heures de travail sur 4 jours. L'amplitude horaire passe de 8 h à 9 h 30.

L’Islande a mis en place la semaine de 4 jours depuis 2015

2 500 Islandais (soit 1 % de la population) sont passés à 35 heures au lieu de 40 heures pendant quatre ans sur 4 jours, sans perte de salaire. D’après les études réalisées, la plupart des salariés sont satisfaits, car cela apporte un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Toutefois, certains salariés n’ont pas apprécié le changement de rythme de travail et les cadres n’ont pas réussi à réduire leur nombre d’heures.

Le gouvernement japonais encourage la semaine de 4 jours

La semaine de 4 jours est un profond changement pour les Japonais qui possèdent une forte culture d’entreprise. Plusieurs sociétés ont décidé de mettre en place la semaine de 4 jours : Panasonic, Nippon Denki, NEC (pour Nippon Electric Company), etc. Microsoft en fait l’expérience depuis 2019 et la productivité aurait augmenté de 40 % par rapport à l’année précédente. 92 % des salariés de Microsoft Japon ont affirmé être satisfaits.

Pour l’Espagne, la semaine de 4 jours passe au test des 32 h

Des phases de tests sur la semaine de 4 jours en Espagne ont commencé au début de l’année 2022. Les salariés de 200 entreprises se sont portés volontaires pour une durée de trois ans, ils vont ainsi travailler 32 heures au lieu de 40 heures, sans perte de salaire. Cette proposition, validée par le gouvernement, vient du Parti de gauche Más País. Le bilan sera dévoilé en 2025.

Le Royaume-Uni réalise un test à grande échelle

Au Royaume-Uni, 3 300 salariés testent la semaine de 4 jours depuis le mois de juin 2022 pour une durée de 6 mois. Une initiative de l’association 4 Day Week Global en partenariat avec le think-tank Autonomy qui souhaite proposer un nouveau modèle de travail. Selon les premiers sondages publiés en septembre par l'association, les effets de la semaine de 4 jours sembles positifs : 88 % des entreprises sont satisfaites et 86 % d’entre elles souhateraient prolonger la mesure au-delà de la période de test de six mois.

Partager :
Abonnez-vous
  • Abonnement intégral papier + numérique

  • Nos suppléments et numéros spéciaux

  • Accès illimité à nos services

S'abonner
Journal du 17 mars 2023

Journal du17 mars 2023

Journal du 10 mars 2023

Journal du10 mars 2023

Journal du 03 mars 2023

Journal du03 mars 2023

Journal du 27 février 2023

Journal du27 février 2023

S'abonner
Envoyer à un ami
Connexion
Mot de passe oublié ?