LNP : La Plateforme n’est pas une école du numérique comme les autres. Pouvez-vous nous expliquer ses spécificités ?
Cyril Zimmermann : Il y en a plusieurs. La création de cette école répond à un double besoin à Marseille et sur la métropole. Social parce que beaucoup trop de jeunes restent sans diplôme. Economique parce que des entreprises de la filière numérique cherchent à embaucher de jeunes talents, notamment des développeurs et qu’elles ne les trouvent pas forcément sur place. A son échelle, l’école entend donc contribuer au développement du territoire. Autre point important : la Plateforme est ouverte à tous les jeunes, sans condition de ressource, ou de diplôme. Elle est gratuite et accueille des étudiants de tous les horizons et de tous les quartiers. Ce mélange est source d’émulations. Par rapport à une école du numérique plus traditionnelle, notre approche pédagogique mélange également l’informatique à d’autres disciplines, comme l’agriculture urbaine. Enfin, nous travaillons avant tout sur les softskills, les savoir-être des étudiants en proposant un cursus universitaire avec une approche pédagogique différente.
De quelle façon ?
ci, on apprend en essayant ! Les étudiants ont les clefs de l’établissement. Ils peuvent venir travailler plus tard, plus tôt ou le week-end. On a emménagé les salles de façon à leur permettre de se réunir en petit groupe, sans la présence de l’équipe enseignante. Ils sont là pour apprendre par eux-mêmes et pour travailler collectivement. Quand ils bloquent sur un problème, ils l’inscrivent sur un tableau. Si le même sujet remonte plusieurs fois, un cours collectif est déclenché. Notre volonté est aussi de les confronter à la réalité du monde professionnel qui les attend.
Quel est le modèle économique de La Plateforme ?
Nous avons lancé l’école avec des partenaires : l’Etat, la Région, le Département, la Métropole et le Club Top 20. Aujourd’hui elle s’autofinance avec les contrats d’apprentissage des étudiants qui suivent une formation par alternance. Ce modèle permet à l’étudiant un apprentissage mieux adapté à la réalité économique, l’entreprise y gagne en compétences, sécurise ses recrutements et l’école se finance. Le but est de garantir l’autonomie de notre établissement.
Combien d’étudiants accueillez-vous ?
Nous avons largement dépassé nos objectifs. L’école a ouvert ses portes en septembre 2019 et actuellement 200 étudiants sont accueillis. A la rentrée de septembre, il devrait y en avoir 350. Nous avons reçu plus de 1 500 candidatures. Notre volonté, à l’horizon 2026, est d’arriver à 3 500 étudiants venant de la métropole, mais aussi de tout le Sud de la France. L’équipe pédagogique passerait alors de 15 à 120 personnes.
Pour accompagner ce développement, où en est votre projet de nouveau campus ?
On l’avait annoncé, l’école va déménager. Notre volonté est de rester à proximité du centre-ville et dans un quartier prioritaire de la ville. Nous hésitons entre deux sites à Euroméditerranée 2 et au nord d’Euroméditerranée 1. Nous pensons rénover ou construire un bâtiment totem qui participera à l’image et la communication de l’école. L’approche architecturale va être confiée à Encore heureux, une agence de Paris. Elle est essentielle à nos yeux.
Quel type de campus envisagez-vous ?
Il devrait faire une superficie de 25 000 m2, avec 15 000 m2 pour l’école et des espaces répartis entre trois blocs pour y développer des services, y installer des entreprises et proposer un accès à la culture. Ce sera un lieu ouvert aux riverains qui s’insèrera dans son environnement. Je souhaiterais créer une communauté apprenante, une mini-ville où on pourrait y faire des échanges entre les nouvelles technologie, l’agriculture urbaine, l’artisanat, l’architecture, l’industrie, la construction [La Plateforme a été notamment co-fondée par Antoine Metzger, président du directoire de NGE, NDLR]... Je pense aussi y installer une école de cuisine pour y nourrir les étudiants, mais pas seulement. On réfléchit à d’autres matières d’enseignement.
Quel est le budget de ce projet ?
Autour de 55 millions d’euros. Il serait financé à 2/3 par des emprunts et à 1/3 par des capitaux. Nous partons pour trois ans de travaux. Pour la suite, nous allons travailler à des formations certifiantes avec des entreprises comme Amazon ou Cisco.
De quelle façon votre projet s’inscrit-il dans son écosystème local ?
Le territoire métropolitain attire des entreprises du numérique. Il y a des demandes d’installation et en même temps nos boites locales se développent. Elles cherchent à embaucher. Notre nouveau campus s’inscrit dans cette dynamique en permettant à des étudiants de se former et de trouver du travail sur place, donc en aidant nos entreprises à recruter et à rester. La Plateforme Marseille entend aussi participer à l’attrait territoriale en enrichissant l’offre de formations autour du numérique. Cet enjeu est essentiel. Nous comptons déjà des acteurs importants dans le secteur de la formation comme l’université, Kedge, mais il reste de la place pour de nouveaux campus, notamment autour du numérique tel que le nôtre ou Theodora. Dans le sud-est de la France, la demande en contrats d’apprentissage dans le numérique est forte.