Elle n'est pas spécialiste du sujet. Et pourtant, Delphine Gallin, avocate au barreau de Marseille, première vice-présidente de l'ACE (Avocats Conseils d'Entreprises), a été chargée d'introduire les débats autour du régime juridique des aides d'État lors d'un colloque organisé par la Cefim. Pour cause : comme beaucoup d'autres, elle est concernée par ce sujet en tant que praticienne du droit et dans la mesure où nombre de ses clients sont des entreprises. Que faut-il retenir avant tout en matière d'aides d'État ?
« L'article 107 du traité de Rome qui précise que sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».
À noter aussi la circulaire Cazeneuve du 26 avril 2017 qui rappelle la réglementation européenne sur les aides d'État afin de renforcer l'expertise du plus grand nombre, notamment les collectivités territoriales, dans ce domaine qui constitue bien souvent un casse-tête. « Cette circulaire propose par exemple des fiches qui permettent aux conseils de tous les acteurs concernés d'être vigilants. Nous sommes donc en capacité de faire en sorte que nos clients soient en conformité. Une bonne chose au regard des sanctions lourdes », précise l'avocate.
Jean-François Pons, ancien directeur général adjoint de la direction générale de la Commission européenne et associé d'Alphalex-Consul, conseille également la lecture du « Vade-mecum des aides d'État». Conçu et élaboré par la direction des affaires juridiques de Bercy, ce recueil gratuit et dématérialisée vise à éclairer les décideurs en matière de soutien public aux entreprises. Un document utile car « la France s'est souvent illustrée négativement dans ce domaine et vous avez probablement en tête des exemples d'aides de notre pays interdites par la Commission ou acceptées au prix de conditions drastiques imposées par l'instance européenne. Le triste feuilleton des aides à la SNCM, bien connu à Marseille, en est une illustration », rappelle Jean-François Pons.
Réforme importante
Les règles fondamentales de l'Union Européenne en matière d'aides d'État remontent au Traité de Rome (section 2, article 107, 108 et 109). Elles peuvent se résumer en quelques mots : les aides d'Etat aux entreprises sont interdites sauf si elles visent un objectif accepté par le Traité et qu'elles ne créent pas de déséquilibre concurrentiel disproportionné par rapport à cet objectif. « En 60 ans, les règles fondamentales ont très peu changé, mais les textes de législation dérivée se sont multipliés (règlements, lignes directrices, encadrements…). Il y a eu aussi le développement d'une vaste jurisprudence », précise Jean-François Pons.
La règle traditionnelle est donc la suivante : notifier à la Commission toute mesure d'aide prévue pour en obtenir l'approbation. Une réforme importante vient d'avoir lieu. Elle vise à exempter systématiquement plusieurs catégories d'aides, mais en contrepartie une transparence totale est exigée des États, mais aussi des collectivités locales qui attribuent ces aides.
« Les collectivités publiques doivent aujourd'hui saisir l'opportunité de la réforme des aides d'État ».
Jean-Paul Hordies, avocat aux barreaux de Paris et Bruxelles, maître de conférence à Sciences Po Paris, ajoute que « l'avocat a l'obligation de vérifier la régularité de l'aide d'État reçue par son client. Ce pan de l'Europe ne peut être ignoré. On ne peut plus faire l'économie du droit européen ». D'autant plus que « si cela paraît compliqué, ce n'est pas le cas dans la réalité ». La clé de voûte du système est l'obligation de notifier l'aide reçue. « Le problème avec la France étant qu'il y a de nombreux interlocuteurs », reconnaît Jean-Paul Hordies. C'est ainsi que la France « est un mauvais élève ». Mais a tout intérêt à agir au plus vite pour changer cette donne.