La situation politique et sociale a joué cette année un rôle prépondérant pour les responsables du tribunal de grande instance de Marseille. « Nous vivons un contexte troublé où nos institutions mais aussi notre pacte républicain sont particulièrement malmenés. C'est pourquoi au sein de ce palais de justice, sans a priori et avec une certaine distance par rapport au tumulte de la rue, votre présence est une indéniable marque de soutien », a confié en premier lieu Isabelle Gorce, présidente du tribunal de grande instance de Marseille. Les magistrats et les fonctionnaires ont, en effet, été très sollicités lors des récents événements : l'effondrement des immeubles de la rue d'Aubagne, les manifestations répétées des Gilets jaunes ou encore les 16 jours de grève des avocats. « Nous avons pu compter sur le dévouement des personnels pour que ces audiences puissent se tenir avec un effectif sous-dimenssionné par rapport à l'activité de cette juridiction », a t-elle vivement déploré.
Pourtant, l'activité est particulièrement dense. Le traitement des violences commises en marge des manifestations des Gilets jaunes a mobilisé des magistrats du siège comme du parquet. Quatre-vingt-une procédures ont été traitées donnant lieu à 69 poursuites pénales, dont 44 comparutions immédiates et 18 saisines du juge des enfants. Sept audiences de comparution immédiates supplémentaires ont même dû être créées en novembre et décembre dernier pour garantir un jugement dans les délais légaux.
Le drame de rue d'Aubagne
Les effondrements d'immeubles rue d'Aubagne, le 5 novembre dernier, ont, quant à eux, conduit à la mobilisation de 11 magistrats du parquet. Un accès aux consultations juridiques a été instauré, mobilisant plus de 400 avocats avec 1 300 appels téléphoniques traités. « Les activités et partenariats au titre du pôle accidents collectifs ont concrétisé la répartition du contentieux opérée par la loi du 13 décembre 2011 qui a confié à notre juridiction l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des délits d'homicides ou de blessures involontaires dans les affaires qui comportent une pluralité de victimes », a relevé le procureur de Marseille Xavier Tabareux.
Cinq-cents personnes ont été reçues par le centre départemental de l'accès au droit. La lutte contre l'habitat indigne a été relancée avec notamment, l'évacuation du bâtiment A de la cité Corot le 28 novembre qui a donné lieu à l'établissement de cinq procédures. Au total, 28 enquêtes concernent l'habitat indigne ou insalubre, dont deux ouvertes suite à la prise d'arrêtés de périls.
Les priorités majeures
D'une manière générale, le procureur a mis en exergue l'action du ministère public soutenue au cœur d'indispensables partenariats, en particulier du traitement de la délinquance au quotidien. « Si le nombre de plaintes et de procès-verbaux enregistrés sont stables avec 120 000 procédures, la délinquance au quotidien reste élevée avec pour le district de Marseille, 10 192 gardes à vue contre 9 679 l'année précédente », a-t-il souligné.
La poursuite de la lutte contre les manifestations violentes de la criminalité organisée demeure la priorité d'action pour le parquet. Le procureur a ainsi illustré son propos avec l'affaire jugée par la 7e chambre correctionnelle dite du tunnel Prado Carénage. Ces règlements de compte avaient fait 28 morts en 2016, 13 en 2017 (chiffre le plus bas de la décennie) et 23 en 2018. La section des affaires criminelles a réglé l'an dernier quelque 200 dossiers. Autre volet, les infractions à la législation sur les stupéfiants sont toujours sur-représentées avec 26 affaires contre 13 en 2017. Plusieurs autres sujets apparaissent également prioritaires comme la lutte contre la délinquance économique et l'économie souterraine, la lutte contre la délinquance commise dans les quartiers de reconquête républicaine (le 3e et une partie des 14e et des 15e arrondissements), l'élaboration d'un schéma d'aide aux victimes ou encore la protection de l'environnement. Pour autant, les moyens en terme de personnels demeurent très insuffisants.
De nouveaux magistrats
En prélude aux exposés, Isabelle Gorce, a présenté les nouveaux magistrats qui viennent ainsi enrichir l'effectif et en particulier Céline Ballerini, en qualité de première vice-présidente adjointe et Florent Pascal, ancien juge au tribunal d'instance de Salon-de-Provence, en qualité de vice-président, lesquels ont été installés le 8 janvier. Par la suite, Marion Lozac'hmeur rejoindra le tribunal en qualité de vice-présidente chargée du tribunal pour enfants. De plus, prendront place, au sein du service civil, Clara Grande et Anne Tertian, qui occuperont les fonctions de juge d'instruction. Enfin, les magistrats accueillent également deux nouveaux collègues au parquet, Ahmed Chafai et Xavier Leonetti et ont adressé leurs félicitations à Sophie Couillaud, élevée au grade de vice-procureur.
Le barreau de Marseille à l'honneur
La rentrée solennelle de l'audience du tribunal n'est pas à Marseille similaire à celle des autres tribunaux puisqu'elle permet au bâtonnier en exercice de s'exprimer. Préalablement, la présidente du tribunal de grande instance a salué tous les avocats du barreau et en particulier le nouveau bâtonnier Yann Arnoux-Pollak. « Je me réjouis de pouvoir construire, comme ce fut le cas avec le bâtonnier Geneviève Maillet, une relation de coopération loyale et ambitieuse pour réguler au quotidien les relations entre barreau et juridiction. » De son coté, le procureur a salué son action à la tête du barreau et a souligné le lien continu qui a été établi et qui s'exprimait notamment lors des réunions de la commission organisation et méthode dont la fréquence a été renouvelée ces dernières années.
Yann Arnoux-Pollak a quant à lui tenu à faire part de sa joie au procureur : « Je suis heureux de vous avoir comme interlocuteur pendant les deux années de mandat. Je suis impressionné par la faiblesse des moyens humains et financiers. Cela reflète le travail de bénédictin accompli », a-t-il confié. « Aujourd'hui, les magistrats et les avocats qui prennent la parole attestent de leur amour commun de la justice », a-t-il relevé en fustigeant pourtant, à la fin de son exposé, le manque drastique de moyens.