Ils ont tenu leur promesse de valoriser des algues d’échouage, collectées dans l’étang de Berre, en petits granulés de résine biosourcée, baptisée « AlgX », pour la fabrication de divers produits (sacs poubelle, à fruits et légumes, pots, emballages…) réutilisables, recyclables, compostables ou biodégradables. Philippe Lavoisier, président et cofondateur d’Eranova, avec Philippe Michon, son directeur général, ont dévoilé ce 18 février à plusieurs dizaines d’invités industriels, scientifiques et institutionnels, toutes les caractéristiques et potentialités de leur nouveau site aménagé à Port-Saint-Louis-du-Rhône, au bout du quai des Tellines du Grand port maritime de Marseille.
Déployée sur un espace d’1,3 hectare abritant plusieurs bassins ouverts ou sous serre et une unité industrielle, l’installation représente un investissement de six millions d’euros, financé sur fonds propres, appuis publics (Etat, Bpifrance, Ademe, Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Métropole Aix-Marseille-Provence…) et participations d’industriels. Elle fait suite à l’expérimentation conduite à Palavas-les-Flots (Hérault) avec l’Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) et la société Coldep. « Nous sommes les premiers en Europe à réussir à faire croître des macro-algues, indique Philippe Lavoisier. Comme les quantités issues de l’étang de Berre seront insuffisantes pour notre capacité de production, nous les cultiverons dans les bassins avant de les transformer. Nous pouvons aussi produire des micro-algues sur ce pilote. »
Eranova entend bien tester les formulations les plus variées, en fonction des attentes des industriels qui lui achèteront ses résines pour les travailler à leur tour en vue de fabriquer des produits finis. « Nous débutons avec des algues de l’étang, mais notre ambition est d’étudier aussi d’autres espèces, poursuit Philippe Michon. L’Arabie Saoudite est confrontée à la même problématique mais les conditions climatiques et marines n’y sont pas les mêmes qu’en Provence. Nous collaborons aussi avec le CEA sur d’autres technologies. Notre outil se veut une véritable plateforme de recherche et d’essai pour les acteurs intéressés au développement de la filière des algues. »
Accélérateur de futurs partenariats
Le démonstrateur pré-industriel préfigure la suite de l’aventure : une usine positionnée sur une centaine d’hectares avec des bassins dix fois plus vastes (les actuels font 300 m2) pour un investissement estimé à 63 millions d’euros qui se déroulera en trois phases. En 2025, si le financement se boucle dans les temps, ce nouveau site pourrait générer 140 emplois. Eranova n’en compte que six pour l’instant. Une levée de fonds supplémentaire s’imposera. Philippe Lavoisier espère qu’elle pourra se concrétiser plus facilement que celle qui a abouti à la réalisation du pilote actuel.
« Lorsque nous avons commencé à démarcher des partenaires financiers pour notre tour de table, malgré l’appui de l’Ademe, de Bpifrance, de TotalEnergies, on nous disait que notre projet était trop en amont, trop industriel ou trop capitalistique. Mais c’était avant l’émergence de la Covid… Aujourd’hui, l’Etat et l’Europe affirment leur volonté de réindustrialiser, de réussir la transition écologique, de lutter contre les pollutions des océans… Nous sommes dans ces objectifs. »