Deux jours avant le coup d’envoi de la XXIIe Coupe du monde de football au Qatar, « Sphère d’influences », sous-titré « Coupes du monde et politique, un siècle d’histoires sulfureuses », est un livre à mettre entre toutes les mains, y compris dans celles de personnes qui ne seraient pas passionnées de football. Car à travers une vingtaine de rencontres marquantes qui ont jalonné l’histoire de l’événement sportif le plus suivi au monde avec les Jeux olympiques, l’ouvrage nous fait sortir du rectangle vert pour nous emmener en coulisses, où le retentissement populaire et médiatique du sport roi l’a amené à incarner des enjeux politiques et géopolitiques.
« En France, le livre de sport est vu avec un peu de mépris. On s’est pourtant aperçu qu’il y avait des choses fantastiques à écrire sur l’instrumentalisation du foot pour des raisons économiques et géopolitiques », explique le journaliste indépendant Samy Mouhoubi, l’un des trois auteurs du livre, qu’il est venu présenter mardi 15 novembre à la librairie « Histoire de l’œil », située rue Fontange, à Marseille (6e), invité par Nadia Champesme, gérante de cet établissement qu’il fréquente assidument lors de ses escales phocéennes. Là, durant trois bonnes heures, cette ancienne plume politique du « Parisien » et de « France Soir » a captivé son auditoire, dévoilant tout au long de la soirée des anecdotes croustillantes et des épisodes inconnus, même pour les amoureux de football.
"Sphère d’influences" : des faits évoqués par des témoins directs
Pour mener à bien ce projet mûri durant six ou sept ans, sous un angle inédit dans la littérature francophone, Samy Mouhoubi, déjà auteur de « Sombres histoires du football, 1938-2016 » sorti à la veille de l’Euro où il se penchait sur 13 destins tragiques liés au monde du ballon rond, a réalisé un mercato de choix. Il s’est ainsi entouré de deux confrères et amis de longue date, José Barroso, journaliste à « L’Equipe » où il fait partie du pool de rédacteurs attaché à l’actualité du PSG, et Jocelyn Lermusieaux, qui officie lui aussi dans le quotidien sportif où il suit l’actualité du SCO d’Angers et du Stade de Reims.
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Tous les trois ont livré en un temps record, sept mois, une enquête remarquable. « Il y a eu un vrai travail d’archives, qu’on a épluchées en anglais, en allemand, en espagnol et en français. Mais pour les dates les plus proches, on a aussi tenté de retrouver des témoins directs des événements afin qu’ils nous les racontent de vive voix. Et on est parvenu à avoir pas mal de réponses », précise Samy Mouhoubi. Ils ont ainsi notamment recueilli le témoignage de Bernard Gent, l’ancien attaché de presse de l’équipe de la Corée du Nord lors de la Coupe du monde de 1966 en Angleterre, aujourd’hui nonagénaire, ou encore ceux de nombreux acteurs de la rivalité régionale exacerbée entre l’Algérie et l’Egypte en match d’appui des éliminatoires de la Coupe du monde 2010.

L’ombre des dictatures… et les coulisses de la Fifa
Au final, les pages nous font revisiter la grande Histoire à travers l’évocation de rencontres mythiques - il ne s’agit pas de comptes-rendus - qui sont inscrites dans le livre d’or de l’histoire du football. Vingt entrées de lecture que le trio a dû savamment sélectionner. « Quand on a eu l’accord de notre éditeur Hugo Sport en janvier-février, nous en avions une trentaine en tête. Mais on a préféré se limiter à vingt et bien les traiter plutôt que de faire plus et d’avoir l’impression d’être passé à côté du sujet. On a donc choisi de conserver les plus éclairantes », résume Samy Mouhoubi.
Parmi elles, on retrouvera bien sûr le « miracle de Berne » quand la RFA devient, à la surprise générale, championne du monde en 1954 face à la formidable équipe de Hongrie de Ferenc Puskás, neuf ans après la capitulation nazie ; le seul match de l’histoire entre les deux Allemagnes lors de la Coupe du monde 1974, remporté par les Est-Allemands sur les terres de leurs voisins de l’Ouest ; ou l’Argentine qui prend sa revanche de la guerre des Malouines face à l’Angleterre de Margaret Thatcher, au stade Azteca de Mexico en 1986, avec la célèbre « main de Dieu » de Diego Maradona.
« Sphères d’influence » se penche aussi sur l’ombre que les régimes dictatoriaux ont pu faire planer sur la compétition, comme dans l’Italie de Mussolini en 1934 ou dans l’Argentine de la junte militaire en 1978. Sans oublier de consacrer le dernier chapitre, le seul écrit à six mains, à la Coupe du monde au Qatar qui débute ce dimanche 20 novembre, inédite à plus d’un titre. Enfin, même si aucun chapitre ne lui est dédié, le livre évoque largement la Fifa (Fédération internationale de football association), l’instance de gouvernance du football à travers le globe qui compte plus de membres que l’ONU, dont la puissance économique n’a cessé de croître depuis 1974, non sans quelques remous et scandales…