Attention, ça n’a rien de bon, prévient d’emblée le professeur d’économie MichelMouillart à propos de la baisse des loyers du secteur privé qui, depuis cinq ans consécutifs, baissent légèrement de 0,7 % en moyenne dans la cité phocéenne. Un recul qui s’est même accentué (- 1,7 %) ces cinq derniers mois, a indiqué le spécialiste parisien venu comme chaque année à pareille époque livrer, grâce aux données recueillies par l’observatoire Clameur* et concernant un quart des baux signés, sa très fine analyse du marché locatif privé de Marseille et des Bouches-du-Rhône.
Le risque ? « Que ce soient au final des morceaux de ville entiers qui se déprécient ainsi, d’autant plus que le danger est diffus », avertit l’universitaire.
« Car ce qui pourrait paraître pour une bonne nouvelle pour les locataires cache en réalité des logements moins bien entretenus, non rénovés et des travaux nécessaires non réalisés alors qu’au contraire les contraintes environnementales et en particulier les enjeux de la rénovation énergétique sont en train de monter en puissance, ce qui est pour le moins paradoxal ».
Une baisse, cercle vicieux, qui incite d’autant moins les propriétaires à faire ces travaux que « l’accompagnement public n’est pas non plus à la hauteur », accuse le professeur.
Des prix parfois inférieurs à ceux du social
Principale raison : la pauvreté de la ville. « C’est un secret de Polichinelle, poursuit Michel Mouillart, le marché locatif privé marseillais accueille des ménages aux revenus très modestes, voire, pour certains grands appartements de 4 ou 5 pièces, à des prix inférieurs au logement social. »
« C’est tout le système qui est tiré de la sorte vers le bas », s’inquiète à ses côtés Jean-Luc Lieutaud, président de l’Unis (Union des syndicats de l’immobilier) Paca Corse. C’est pourquoi, il est grand temps selon ce dernier de rééquilibrer les droits entre locataires et propriétaires. « Cela fait des années que l’on réclame un véritable statut pour le propriétaire bailleur, s’insurge-t-il, mais nous avons l’impression de ne pas être écoutés et de devoir ainsi rabâcher. »
Si le phénomène de la baisse des loyers « n’est pas propre à Marseille, mais concerne 80 % des dix premières villes françaises », rassure l’expert de Clameur, la situation dans la cité phocéenne est d’autant plus sérieuse, comme tient à le faire remarquer Gérard Ivars, président de l’Unis Marseille Provence Corse, que la dégradation est continue depuis 2013 et que la majorité des propriétaires marseillais sont de « petits propriétaires qui ne possèdent qu’un ou deux appartements, le plus souvent pour compléter leurs retraites ». Autre conséquence, les locataires de leur côté n’arrivent plus à accéder à la propriété et restent dans leur appartement. D’où un taux de renouvellement très faible à l’instar de la capitale. Vingt-huit mille baux sont signés chaque année. « Des deux côtés, nous sommes face à un problème et à un manque de revenus », souligne Gérard Ivars. Rappelons que dans la cité phocéenne, quelque 145 000 ménages vivent dans un logement locatif privé.
* Connaître les loyers et analyser les marchés sur les espaces urbains et ruraux.